On se pose souvent des questions sur l'espéranto car on peut lire ici ou là des choses bien contradictoires.L'espéranto est un sujet sur lequel certains se croient parfois autorisés à disserter même sans le connaître...

Notre ambition dans cette page est de donner le point de vue des espérantophones sur les questions que l'on nous pose fréquemment. Cette page grandira au fur et à mesure de vos questions.

Sommaire :

  • Ça se parle vraiment cette langue ?
  • Y a-t-il des expressions idiomatiques en espéranto ?
  • Y a-t-il des jeux de mots en espéranto ?
  • Et les concurrents de l'espéranto ?
  • L'espéranto : langue ou idéologie ?
  • Vous avez dit «créée de toutes pièces» ?
  • La langue internationale c'est l'anglais, non ?

    Et bientôt :
    Les questions que vous nous poserez !

    disigilo

    Ça se parle vraiment cette langue ?

    Question : On voit des livres, des revues, des sites Web en espéranto mais, franchement, vous utilisez vraiment cette langue pour parler entre vous ?

    Réponse : Eh oui ! D'ailleurs beaucoup d'espérantophones ont commencé par apprendre la langue en autodidacte, en lisant un cours, et il ont été les premiers surpris de constater qu'ils pouvaient trouver des gens qui emploient cette langue oralement et, qui plus est, qu'ils les comprennent et se font comprendre facilement. L'usage oral de l'espéranto ne se limite pas aux voyages et aux loisirs, certains emploient aussi cette langue dans leur cadre familial ou professionnel.



    disigilo

    Y a-t-il des expressions idiomatiques en espéranto ?

    Question : On peut souvent lire que l'espéranto est une langue facile car logique et débarassée du poids des idiotismes qui s'accumulent au fil des ans dans les langues naturelles. Cela signifie-t-il qu'on ne sait pas dire en espéranto faire chou blanc, bâtir des châteaux en Espagne ou prendre le taureau par les cornes ?

    Réponse : Tout d'abord il ne faut pas confondre idiotisme et expression idiomatique. Un idiotisme du français c'est par exemple l'emploi de l'article et des prépositions à ou en devant les noms de pays : on dit "en France" (la France), "au Canada" (le Canada), "à Cuba" (Cuba)... Pourquoi ? On aura beau inventer des règles et des exceptions à ces règles, l'explication finale restera «parce que c'est comme ça». Il n'y a pas d'alternative possible et ceci constitue une réelle difficulté pour celui qui apprend notre langue.

    Les expressions idiomatiques, au contraire, sont une façon originale et plus ou moins détournée de dire quelque chose qu'on pourrait exprimer de façon plus banale. Le fait que chaque langue puisse choisir une façon différente de dire cette chose (une métaphore différente par exemple) constitue justement le côté idiomatique -- c'est à dire propre à la langue -- de cette expression.

    Concernant les expressions idiomatiques, il y a en espéranto trois tendances, chacune étant adaptée à un type de communication et à un degré de connaissance de la langue.

    La première tendance est d'éviter purement et simplement les expressions idiomatiques. Quand on écrit à un Japonais qui débute en français, on sait instinctivement qu'il ne comprendra pas l'histoire des châteaux en Espagne, donc on aura plutôt tendance à dire faire des rêves impossibles à réaliser ou quelque chose d'approchant. On fera la même chose en espéranto dans une situation identique, si ce n'est qu'on pourra plus facilement jouer sur la syntaxe et le style pour donner une patine d'originalité «idiomatique», même à l'expression la moins métaphorique qui soit.

    La deuxième tendance sera de traduire plus ou moins littéralement certaines expressions idiomatiques, soit parce qu'il s'agit de métaphores facilement compréhensibles par d'autres nationalités (ex. mettre la charrue avant les boeufs), soit parce qu'il s'agit d'une expression propre à la culture de son pays et qu'on souhaite la faire partager aux autres : les expressions les plus originales et les plus frappantes auront tendance à faire mouche et à s'enraciner dans la langue. Cette tendance «marche» bien dans les conversations internationales entre gens qui maîtrisent déjà bien la langue et qui l'utilisent de manière vivante.

    La troisième tendance, plus littéraire, est de faire appel au fonds culturel de l'espéranto, c'est-à-dire en l'occurrence au corpus de tous les textes «fondateurs» de la langue et notamment au recueil de proverbes et phraséologies (c'est-à-dire expressions idiomatiques) édité au début du siècle par Zamenhof, d'après un travail comparatif entre russe, polonais, français, et allemand, entrepris par son père. Ce recueil est assez limité (environ deux mille expressions seulement) mais il illustre bien la démarche : s'inspirer des expressions les plus claires et les plus typiques de chaque langue et leur donner une patine idiomatique par un choix judicieux de la syntaxe, des rythmes et des sonorités.


    Quelques exemples :

    Ainsi pour faire chou blanc, on dit couramment fiaski (faire un bide) ou maltrafi (louper son but) qui sont déjà des expressions originales en soi de par leur construction. Mais on peut dire aussi trafi paseron en référence au proverbe celis anseron, trafis paseron (il visait une oie, et il a atteint un moineau). Selon les nuances il y aurait d'autres possibilités comme :

  • Plenumiĝis la tasko per granda fiasko : la tâche s'est achevée par un grand fiasco (noter le balancement : tasko... fiasko).
  • Krevis la vazo antaux la nazo : le vase s'est brisé devant mon nez (et les espoirs se sont envolés)).


    Pour prendre le taureau par les cornes, à défaut d'un équivalent exact, et on peut toujours se contenter de la métaphore kolekti sian kuraĝon (ramasser son courage).


    Pour avoir du travail par-dessus la tête on dit usuellement esti superŝutita per laboro (être enseveli sous le travail) avec un emploi métaphorique du verbe ŝuti qui normalement s'applique aux matériaux granuleux tels que le sable, le sel ou le sucre. Mais il existe aussi l'expression plus littéraire et élégante sidi en laboroj ĝis super la oreloj (être assis/occupé dans des travaux jusque par-dessus les oreilles).


    Pour bâtir des châteaux en Espagne il existe l'expression konstrui kastelojn en aero (construire des châteaux dans l'air).


    Un dernier pour la route. Bovo prenita, koko donita kaj -- kvita, mot-à-mot un boeuf pris, un coq donné et... quitte, c'est-à-dire on prend un boeuf, on rend un coq... et on se sent quitte. Une bonne façon de faire comprendre l'ingratitude de la personne dont on parle. Voici qui éclairera votre lanterne sur la richesse idiomatique de l'espéranto et vous donnera du grain à moudre...



    disigilo

    Y a-t-il des jeux de mots en espéranto ?

    Question : Bon, les expressions idiomatiques je comprends. Mais les jeux de mots, les contrepèteries ? J'imagine que cela renvoie au problème de l'ambiguïté... lexicale ? syntaxique ? sémantique ?

    Réponse : Bien sûr. L'ambiguïté syntaxique est assez réduite en espéranto, mais les possibilités lexicales et sémantiques sont suffisamment étendues pour permettre toutes sortes de jeux de mots. À dire vrai beaucoup d'espérantophones ne sont pas des producteurs acharnés de calembours. Mais il y a au moins un auteur qui en a fait une vraie spécialité : Raymond Schwartz. Ses ouvrages humoristiques sont une vraie mine d'éclats de rire pour tous les espérantophones.

    L'art de la contrepèterie est facilement transposable à l'espéranto : "bagateloj" (bagatelles) / "batalegoj" ("grandes batailles"); "pola mastro" (un patron polonais) / "mola pastro" (un prêtre mou)...

    Mais le calembour spécifique à l'espéranto c'est celui qui profite à fond des possibilités de formation des mots, qui permettent de fournir parfois une interprétation loufoque d'un mot ou d'une expression par mauvaise coupure :

    • filologo (philologue) -> filo/logo (attirance du fils)
    • sekreta risorto (ressort secret) -> sekretari/sorto (un sort de secrétaire)
    • fekanto (celui qui défèque) -> fe/kanto (un chant de fée)

    Sans compter tous les à-peu-près phonétiques du style "Kristnasko" (Noël), "kriz/nasko" (naissance de la crise).

    Sur le terrain sémantique, il y a aussi des potentialités : le sens figuré de certains mots est propice au jeu de mots. Par exemple, pour dire qu'une question se pose, on dit en espéranto qu'elle est debout (comme en russe, d'ailleurs). Il est facile d'ajouter : "quand elle sera fatiguée elle s'assiéra".

    La plupart des exemples ci-dessus sont extraits d'une thèse de doctorat de linguistique générale et appliquée : "Espéranto et jeux de mots dans l'oeuvre de Raymond Schwartz" (M.-Th. Lloancy).

    disigilo

    Et les concurrents de l'espéranto ?

    Question : L'espéranto n'est pas la seule langue construite : volapük, interlingua, lojban... Qu'en est-il exactement ?

    Réponse : Il est exact que d'autres langues construites existent. Il y en a même des centaines, mais il ne fait pas de doute pour nous que l'espéranto est la seule langue construite passée de l'état de projet à celui de réalité. La productivité et l'étendue de la communauté espérantophone ont définitivement ancré la langue dans le monde réel.

    Par ailleurs, de nombreux projets de langue construite n'ont pas les mêmes objectifs que l'espéranto. Nous ne parlerons ici que de trois projets, historiquement et linguistiquement intéressants qui, comme l'espéranto, proposent une langue auxiliaire internationale. Nous laissons donc de côté les langues comme lojban, loglan, klingon etc. qui ont des objectifs respectables mais tout différents.

    Le volapük est le premier projet qui ait vraiment connu un succès certain. La langue est très régulière, avec un petit aspect sauvage qui peut séduire (c'est une sorte de klingon du 19ème siècle...). On attribue généralement le déclin du volapük à des défauts structurels importants et à l'intransigeance de son créateur, un prêtre nommé Schleyer, vis-à-vis des réformes indispensables. Il est vraisemblable que les luttes de pouvoir au sein du mouvement volapükiste et l'émergence de l'espéranto ont précipité cette chute. Mais il faut aussi souligner que beaucoup de volapükistes passait certainement plus de temps à parler du volapük qu'à l'utiliser réellement -- ce qui aurait demandé de leur part un investissement bien plus important. Des tentatives de réformes ont eu lieu et la dernière version qui semble avoir vu le jour constitue le «volapük moderne» de Arie de Jong.

    Exemple de texte :

    En volapük moderne :

      Ün poszedel latafluküpik man gudiko peklotöl ädoniovegom nevifiko ve süt.
    En volapük de Schleyer :
      In poszendel sembal flukatima latik, man bäledik, pebenoklotöl ädisigolom nevifiko süti.
    En français :
      Un après-midi, à la fin de l'automne, un homme bien vêtu remontait lentement la rue.

    cité d'après : Johann Schmidt, «Jenotem valemapüka `Volapük'», traduit en espéranto sous le titre «Historio de la universala lingvo Volapuko».

    L'ido est une langue dérivée de l'espéranto après un grand "schisme" survenu en 1907 à la suite d'une rocambolesque histoire. La trahison qui a scellé l'acte de naissance de l'ido a également signé sa perte, du moins aux yeux des espérantistes. Ceci mis à part, l'ido est une langue très proche de l'espéranto, l'intercompréhension entre ces deux langues étant tout à fait possible, et les traducteurs espérantophones l'apprécient beaucoup car il leur permet de rendre en espéranto la même impression que font les variantes dialectales de l'original.

    L'interlingua, enfin, est un projet lui aussi très intéressant : il s'agit de créer une langue latine qui serait une sorte de "moyenne" entre l'espagnol, l'italien, le français et l'anglais (l'anglais n'est pas une langue latine mais sa longue cohabitation avec le latin et le français ont latinisé la majeure partie de son vocabulaire). Les auteurs de cette langue ont privilégié la naturalité sur la régularité, ce qui rend la langue facile à comprendre par toute personne connaissant une ou deux langues latines mais rend l'apprentissage de la langue beaucoup plus difficile. À titre d'exemple, on peut noter le fait que l'écriture n'est pas phonétique et que des variantes de prononciation (selon le goût du locuteur) sont admises pour certaines lettres. Le résultat général est tout à fait présentable mais, rassurez-vous, l'espéranto a plusieurs longueurs d'avance et, d'ailleurs, ne concourt pas tout à fait dans la même catégorie car l'interlingua limite ses prétentions à devenir une langue d'échanges surtout écrits entre scientifiques.



    disigilo

    L'espéranto : langue ou idéologie ?

    Question : J'ai entendu parler de l'espéranto comme d'une langue internationale mais je vois aussi des articles qui décrivent l'espéranto comme un mouvement avec ses «adeptes», ses «missionnaires», son «prophète»... Métaphore journalistique ou vérité cachée ?

    Réponse : Quand Ludwik Zamenhof crée l'espéranto au siècle dernier, il ne conçoit pas sa langue comme un simple outil de communication internationale. Il vit immergé dans les difficultés de tous ces Polonais, Lituaniens, Juifs, Allemands et Russes qui tentent de cohabiter dans les grandes villes de la Pologne, partie intégrante alors de l'empire russe. La coexistence pacifique des nationalités (au sein d'un même pays) et des nations (au niveau mondial) est pour lui le but le plus important à conquérir. Cet idéal de paix et de fraternité marquera profondément l'espéranto et constituera, si l'on peut dire, son axe «idéologique».

    Au début du vingtième siècle, les Français deviennent les locomotives du mouvement espérantistes. Plutôt que l'idéal de Zamenhof, qu'ils craignent de voir compris comme une mystique, ils choisissent de mettre l'accent sur les avantages concrets que la langue pourrait procurer dans le domaine des sciences, du commerce et du tourisme si elle était pratiquée à grande échelle. Il s'agit alors de remplacer la langue internationale des élites, le français -- déjà déclinant dans ce rôle --, par l'espéranto, langue internationale des peuples. C'est l'axe «utilitariste».

    De nos jours l'idéal de paix n'a rien perdu de sa force malgré tous ceux qui l'ont courtisé par intérêt. En revanche il paraît plus difficile de clamer que l'espéranto apportera automatiquement la paix si tout le monde le parle. De récents conflits (Irlande, Yougoslavie,...) ont rendu tangibles à tous qu'une langue commune n'empêchait pas les peuples d'un même pays de se déchirer pour des questions tenant à la religion ou à des mythes nationaux, la haine se nourrissant de tout, des différences autant que des similitudes, de l'ignorance autant que de la connaissance. Zamenhof le savait bien, lui qui pensait qu'une seconde langue pour tous ne pouvait pas suffire pour véritablement unir l'humanité et que seule une "seconde religion" pourrait atteindre ce but si elle englobait dans une sorte de morale -- plus sociale que mystique -- le plus petit dénominateur commun des principes des grandes religions monothéistes et des courants de libre pensée.

    Par ailleurs le mouvement espérantiste a longtemps été porté par une mystique du "grand soir" selon laquelle les nations finiraient bien un jour par reconnaître les mérites de l'espéranto et l'imposeraient à leurs sujets. Cette utopie s'estompe de plus en plus au profit d'actions plus modestes aux résultats plus tangibles : faire accepter à l'administration l'ouverture d'un cours d'espéranto dans une école primaire afin d'initier les enfants à une langue étrangère et à la correspondance; maintenir un réseau mondial d'hébergement gratuit pour les espérantophones; continuer à pratiquer et faire vivre la langue; la transmettre à d'autres; aider financièrement les projets d'espérantophones du tiers-monde... Toutes ces activités procèdent de l'idéal de fraternité, qui s'applique ici au sein d'une communauté espérantiste, ouverte à tous ceux qui veulent bien payer le ticket d'entrée (c'est-à-dire apprendre la langue), et non repliée sur elle-même. La langue est alors le véhicule docile de cette fraternité.

    Essayons maintenant de répondre à la question qui ouvre cette page. L'espéranto est-il une idéologie ? - Non. Il est le véhicule d'un idéal, certes, mais il n'en est que le véhicule, et nous savons qu'il a pu se mettre au service d'objectifs moins désintéressés. Ensuite, l'idéal en question n'a pas le caractère de doctrine organisée comme pourrait l'avoir un courant de pensée religieux ou politique. L'espéranto n'est-il donc rien d'autre qu'une langue ? - Non plus. Outre l'idéal de fraternité qui l'anime avec plus ou moins de vigueur, l'espérantiste moderne est un passionné : passionné de sa langue qui lui découvre toujours des facettes inattendues, et passionné de son activité au service de cette langue et de ce que l'on peut appeler sa communauté.

    Ce courant "affectif", presque hédoniste, qui, d'ailleurs, a toujours été représenté dans l'histoire de la langue, tend peut-être à tempérer l'image de l'espérantiste telle que certains non-espérantistes se l'imaginent encore, à savoir celle du missionnaire ascétique prêchant dans le désert la parole un peu surannée du bon docteur Zamenhof.



    disigilo

    Vous avez dit «créée de toutes pièces» ?

    Question : L'espéranto est, dit-on, une langue artificielle créée de toutes pièces. Comment une langue de bric et de broc pourrait-elle remplir le rôle de langue internationale ?

    Réponse : Il faut tout d'abord souligner les connotations négatives du mot «artificiel» dans le langage de tous les jours et se demander s'il est bien raisonnable de les accepter aveuglément. Nous vivons dans un univers entièrement façonné par l'homme, un univers artificiel, où même les langues que nous croyons naturelles sont soumises à des modifications volontaires de la part de ceux qui les parlent. Les exemples abondent de langues ressuscitées (hébreu, gaélique) ou profondément remaniées (turc, sanskrit,...) pour répondre à un dessein politique, religieux ou culturel.

    Sait-on que le dirigeant turc Atatürk, désireux au début du siècle d'ancrer son pays à l'occident, a ordonné une grande épuration de la langue turque, jusqu'alors saturée d'emprunts arabes et persans, au profit de mots nouveaux inventés suivant les règles de dérivation propres au turc, parfois ressuscités par comparaison avec d'autres langues de la même famille, voire même empruntés directement au français ?

    Sait-on que la plupart des langues européennes qui ont une littérature écrite ancienne la doivent à un exercice de traduction de la Bible, exercice qui aboutissait généralement à la création d'une langue hybride, utilisant des mots de la langue vulgaire, mais avec un sens et une syntaxe totalement dictée par le texte original ? C'est ainsi que sont nés le gothique et le vieux-slave dans une traduction du grec et, plus près de notre époque, le finnois, dans une traduction du suédois.

    De manière plus générale, le passage d'une langue d'une phase orale à une phase écrite, puis les avatars successifs de cette langue sous sa forme littéraire (réformes orthographiques, unification dialectale, codifications diverses...), tout ceci reflète une action réfléchie d'un individu ou d'un groupe sur la langue d'un peuple ou d'une nation, bref une modification artificielle d'un état antérieur. L'italien, l'allemand, le serbo-croate, pour ne citer qu'eux, sont des exemples de langues créées pour des nécessités politiques à partir d'une constellation de dialectes qu'ils n'ont d'ailleurs pas supplantés.

    L'espéranto se place naturellement dans cette optique. Il s'agit d'une langue nouvelle basée sur un matériau linguistique préexistant. Zamenhof, le créateur de la langue, ne l'a pas inventée de toutes pièces, il l'a plutôt «découverte» en extrayant les similitudes entre les différentes langues qu'il connaissait.

    Mais surtout il faut savoir que par la suite la langue s'est développée en dehors de son «découvreur» grâce aux apports des millions d'individus qui l'ont un jour parlée. Dès le début de son existence l'espéranto a été présenté comme un noyau minimal qui ne demandait qu'à être enrichi et les locuteurs de la langue ne se sont pas privés d'utiliser cette liberté. D'où le caractère erroné des affirmations qui présentent l'espéranto comme la création entière et totale d'un seul homme.



    disigilo

    La langue internationale c'est l'anglais, non ?

    Question : L'anglais est omniprésent dans les médias. Pas une manifestation en Albanie ou en Serbie sans des banderoles écrites en anglais. Les actualités nous servent les noms géographiques et les noms d'entreprises étrangères sous leur forme anglaise (Kuwait-City, Turkish Airlines, Osaka University, etc.) et, à n'en pas douter, la majeure partie des échanges commerciaux et scientifiques internationaux utilisent l'anglais comme langue de travail. À quoi donc pourrait servir l'espéranto ?

    Réponse : L'anglais est effectivement la langue qui, faute de mieux, joue le rôle de langue internationale. Mais il y a à cela de nombreux inconvénients.

    Tout d'abord, l'anglais est une langue difficile à maîtriser correctement, même si on n'en a pas toujours conscience. Ainsi le touriste français qui se promène en Asie et qui arrive à se faire comprendre du marchand de souvenirs ou du barman de son hôtel peut-il croire que l'anglais résout parfaitement ses problèmes de communication. Il risque toutefois de déchanter s'il se trouve dans une situation plus délicate, au commissariat de police, à l'hopital, ou reçu dans une famille locale, par exemple. Il aura alors vite fait de voir les limites de ses connaissances et celles de ses interlocuteurs.

    De façon similaire, un scientifique avec un bon niveau d'anglais et habitué à la lecture quotidienne de travaux écrits dans cette langue trouvera-t-il parfois difficile, voire impossible, de comprendre l'exposé oral de tel ou tel collègue anglophone.

    Il y a évidemment un problème de phonétique. L'anglais est une langue très riche en voyelles et en diphtongues, or la réalisation exacte de ces éléments essentiels pour la compréhension d'un mot varie d'un pays anglophone à l'autre, d'une ville à l'autre, d'un groupe ethnique à l'autre, d'un individu à l'autre, sans parler des variantes engendrées par les locuteurs non-anglophones. Il est possible de surmonter ce handicap si l'on devine approximativement ce que son interlocuteur va dire, mais tout mot inattendu, toute expression ambiguë risque de vous faire perdre le fil et partir sur une mauvaise interprétation. Ajoutez à cela que les Américains (et d'autres !) adorent truffer leur langage de blagues, clins d'oeil et clichés divers dictés par l'actualité ou la mode du jour -- toutes choses que vous ignorez complètement -- et vous verrez à quel point utiliser l'anglais dans une rencontre scientifique ou une négociation commerciale relève parfois du supplice.

    Si, entre non-anglophones, l'emploi de l'anglais comme langue commune peut être un pis-aller, l'emploi de cette même langue entre anglophones et non-anglophones devient beaucoup plus difficile. Il en serait de même de toute autre langue nationale, évidemment : pensons aux difficultés d'un algérien ou d'un sénégalais parlant le français. Peut-on parler d'égalité quand vous forcez quelqu'un à parler votre langue ?

    En conclusion, l'anglais est peut-être une langue internationale de facto, mais il y a des nuances. Tout d'abord le français conserve quelques niches d'influence, notamment en Afrique et dans les pays latins, mais aussi ailleurs (on ne sait pas suffisamment que le français est la langue internationale de l'Union Postale). Ensuite, il ne faut pas s'imaginer que l'anglais est largement connu partout dans le monde. C'est une langue qui reste difficile, même pour les francophones (le français est pourtant la langue à laquelle l'anglais a emprunté presque les trois quarts de son vocabulaire). Ensuite, c'est une langue qui appartient à certaines nations (Angleterre, Amérique du Nord, Australie,...) et tout utilisateur non-anglophone de naissance est fortement désavantagé. Enfin, si on poussait l'apprentissage de l'anglais suffisamment pour permettre à la population mondiale un véritable bilinguisme, les États-Unis ne rencontreraient plus aucune barrière culturelle et pourraient profiter de leur vitalité économique pour imposer leur vision politique et culturelle de la société humaine sur toute la planète.

  • jefo-logbildeto : Junulara Esperantista Franca Organizo

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